Le début de saison du Stade Rennais est compliqué, on pourrait même le considérer comme « raté » sans la bouffée d’oxygène européenne. Alors que le match face au Panathinaïkos semblait réellement lancer la saison rennaise, la défaite face à Lyon fait de nouveau douter quant aux capacités de l’équipe à rebondir. Les difficultés persistent et les manques sont criants, alors qui blâmer ?
Certains pointent du doigt la défense Rouge et Noire inexpérimentée, d’autres critiquent l’inefficacité des attaquants. Mais qu’en est-il des milieux de terrain ? Il est vrai que c’est sans doute le poste qui apporte le plus de fiabilité. D’ailleurs, un milieu type, plutôt complémentaire, semble se dessiner, composé de Benjamin Bourigeaud, Nemanja Matić et Enzo Le Fée. Pour autant, ce milieu n’est pas inamovible. Que ce soit Santamaria, D.Doué ou Rieder, ils ont, à plusieurs reprises, montré leurs qualités en étant titulaire ou en sortie de banc. De son côté, Blas peut aussi être considéré comme un milieu, même s’il a davantage joué comme un ailier.
Malgré sa fiabilité, le milieu de terrain n’est pas exempt de critiques. Par moments, il manque de dynamisme, montrant une certaine passivité et un manque d’influence, surtout dans le jeu offensif… Décryptage de la forme des milieux de terrain rennais.
Bourigeaud, à la recherche de sensations
À l’image de l’équipe, le capitaine a du mal en ce début de saison. Très touché après la rencontre perdue face à l’Olympique Lyonnais, il semble en crise de confiance. Replacé, par l’arrivée de Blas, en tant que milieu relayeur, il a surtout été dans la compensation afin d’équilibrer le jeu. Dernièrement, il a, à plusieurs reprises, retrouvé son côté droit où il doit s’adapter à son nouveau compère de couloir, Lorenz Assignon. Mais globalement, peu importe son poste, il peine à retrouver l’influence sur le jeu qu’il avait lors de la dernière saison.
Symbole de son influence réduite : son déchet technique important. Étonnant venant de lui, mais sa justesse reste éloignée de ses standards. Un constat partagé par le désormais ex-entraîneur, Bruno Génésio :
« Il n’est pas aussi performant, je dirais techniquement, dans ce qu’il est capable de faire. On attend bien évidemment beaucoup plus de lui, et lui le premier le sait. En termes de passe, en termes de justesse technique, il peut faire et il doit faire beaucoup mieux ».
Malgré tout, il ne lésine pas sur les efforts. Il compense, se rend disponible et va vers l’avant. Grâce à son envie et son énergie, le coach a gardé confiance en lui. Preuve en est : c’était le milieu de terrain le plus utilisé sous Génésio. Il a commencé chaque match depuis le début de saison, même s’il lui est arrivé de sortir tôt, parfois même à la mi-temps. Un nouveau rôle lui a également été confié, celui de capitaine, qu’il remplit bien, n’hésitant pas à remotiver ses troupes. La trêve offre un répit bien nécessaire au capitaine. Espérons qu’il revienne en forme et prêt à insuffler son engagement à toute l’équipe pour enfin mettre le wagon rennais sur de bons rails.
Adaptation express pour Matić
Autre locomotive de cette équipe Rouge et Noir : Nemanja Matić. Plutôt fidèle aux attentes générées par son recrutement, le grand Serbe est vite devenu un titulaire indispensable. Son début de saison fut un peu timide, mais ses derniers matchs révèlent toutes ses qualités. Assurant l’équilibre de l’équipe, il est le dépositaire du jeu. Sa capacité à récupérer le ballon, à en perdre peu et à l’utiliser de manière judicieuse, fait de lui la tour de contrôle et la rampe de lancement de l’équipe. Il donne l’impression d’attirer les ballons, qu’il conserve avec aisance, et oriente justement. Recruté notamment pour son expérience, Matić a prouvé à maintes reprises sa valeur, et particulièrement lors de soirées européennes, faisant preuve de malice dans les moments compliqués, à l’image de son penalty obtenu face au Panathinaïkos. Il n’hésite pas, non plus, à endosser le rôle de meneur d’équipe en donnant des conseils à ses coéquipiers.
Cependant, quelques points négatifs sont à notifier. Le Serbe peine encore à imprimer une influence offensivement, bien que ses récentes performances laissent entrevoir son potentiel. Son déficit de vitesse constitue un handicap, même s’il compense efficacement par son expérience. Il a également parfois tendance à trop ralentir le jeu. Malgré tout, Bruno Genesio, semblait conquis par sa sentinelle, à l’image de ses propos après la victoire contre le Panathinaïkos :
« Pour moi, celui qui a été déterminant, c’est Nema (Matić) il a entraîné toute l’équipe avec lui après. Il a été un des éléments essentiels dans cette révolte. Notre groupe est jeune, il a la chance de côtoyer un tel champion, il faut qu’ils apprennent, qu’ils soient très à l’écoute de tout ce qu’il peut leur dire, il a montré toute la palette de ce qu’il faut pour être un joueur de très haut niveau ».
Il n’y a pas que l’ex-coach de conquis, les supporters ont l’air de l’être tout autant, comme en témoigne sa sortie sous ovation, il y a deux semaines.
Le Fée, encore en rodage
Recruté avec l’objectif de servir de lien entre le milieu de terrain et l’attaque, Enzo Le Fée n’a pas encore atteint les performances et l’influence qu’il avait au FC Lorient. Bien que des promesses aient été entrevues lors des matchs de préparation, son rendement en championnat n’est pas encore à la hauteur des attentes. Son début de saison a été compliqué, marqué par des blessures et des prestations insuffisantes. Trop brouillon, trop neutre, pas assez initiateur, pas assez agressif… Des difficultés symbolisées par son entrée désastreuse lors du match contre Paris. Une prestation qui lui a permis une prise de conscience, comme il l’a expliqué après la victoire du Stade Rennais contre le Panathinaïkos, en zone mixte :
« Mon entrée catastrophique lors du match contre le PSG m’a fait réagir. Peut-être que je me mettais une pression un peu inutile, j’ai libéré ça. Comme j’enchaîne, je me sens plus performant sur le plan athlétique, ce dont j’ai besoin dans mon jeu. J’ai besoin de courir pour pouvoir m’exprimer, et aujourd’hui, je me sens en forme ! »
Depuis, il est vrai, on sent du mieux dans son jeu. L’ancien lorientais a été précieux lors des derniers matchs de par sa disponibilité, son implication et surtout sa justesse technique et sa qualité de passe. Le milieu semble plus à l’aise, il trouve petit à petit ses repères et commence à s’imposer comme l’un des dépositaires du jeu rennais. Ses derniers matchs sont encourageants pour la suite. Espérons donc que cette montée en puissance se confirme après la trêve.
Blas, en manque d’inspiration
Auteur d’un début de saison mitigé, Ludovic Blas, a du mal à convaincre malgré son statut de titulaire (il a débuté 13 matchs sur les 16 possibles). Irrégulier, ses performances sont en dents de scie, oscillant entre des prestations de haute-volée et de faible qualité. Il semble avoir perdu un peu de son football, mais pas étonnant dans une équipe en plein doute. Malgré son potentiel évident, ses performances restent insuffisantes. Le joueur n’a que rarement réussi à produire des actions dangereuses, manquant d’application et d’inspiration. Ses prestations globales ont été en deçà des attentes, jugées comme trop neutres pour un joueur de son calibre. Preuve de ses difficultés, Génésio a changé, à plusieurs reprises, de système dernièrement pour installer Bourigeaud sur son côté.
L’ex-Nantais reste tout de même le joueur le plus efficace et décisif de l’équipe, avec ses quatre buts et sa passe décisive, toutes compétitions confondues. À plusieurs reprises, on peut déceler ses qualités indéniables comme face au Maccabi Haïfa en Ligue Europa et son coup de pétard dès les premières minutes de jeu. Un autre point qu’on ne peut lui reprocher : son application défensive. Il n’hésite pas à faire de grandes courses pour revenir défendre.
À l’inverse de l’autre recrue française, Enzo Le Fée, il s’est vite fondu dans le collectif en étant titulaire quasiment d’entrée, mais son éclosion tarde à arriver. Un sentiment partagé par Bruno Génésio, avant le match contre Lorient :
« (qualification de son début de saison) Bien, mais peut mieux faire parce qu’il a du potentiel et on attend davantage d’un joueur qui a un gros potentiel, mais il a dans certains matchs, montré tout ce qu’il était capable de faire. Je pense qu’il doit prendre conscience de ses qualités, prendre davantage confiance en lui. Dans le travail défensif, je trouve qu’il a fait beaucoup d’effort, c’est un des domaines sur lesquels il a beaucoup travaillé. Il doit se libérer, retrouver sa spontanéité offensive et avoir davantage de variété dans son jeu. »
Actuellement en quête de repères, espérons qu’il parvienne à les trouver rapidement.
Doué, en quête de simplicité
Bien que talentueux, Désiré Doué, la pépite rennaise, a du mal à être régulier. Principalement remplaçant, il démontre souvent sa capacité à influencer le jeu lors de ses entrées, comme ce fut le cas lors du match contre Brest. Cependant, il éprouve des difficultés à enchaîner afin de s’imposer de manière constante dans le onze de départ. En effet, sa qualité technique est indéniable, mais il a tendance à compliquer certaines situations et à faire preuve de suffisance, entraînant la perte de ballons simples. Sa saison est marquée par des prestations plus ou moins bonnes, ne parvenant pas toujours à créer suffisamment de différences sur le terrain. Il a aussi tendance à privilégier des actions personnelles plutôt que collectives. Bien qu’inconstant et parfois négligeant, il tente de dynamiser le jeu de l’équipe, quand bien même ce n’est pas forcément efficace. Sa nature imprévisible apporte un danger permanent sur le terrain. Les propos de Génésio en conférence de presse, avant d’affronter Lille, reflètent bien la situation :
« Il sait qu’il y a des zones où il doit jouer plus simple. Mais il doit garder sa force. Les joueurs qui dribblent, qui font des différences, c’est très important dans une équipe : il faut qu’il arrive à savoir à quels moments il doit le faire, dans quelles zones il peut le faire. Il y a une rigueur défensive à avoir quand on n’a pas le ballon, quand on l’a, en fonction des zones où on l’a… Mais il progresse, car il écoute et intègre bien les conseils qu’on lui donne. Je le dis depuis mon arrivée : ce sera, je pense, un grand joueur. Il faut faire des erreurs pour apprendre, mais il en fait de moins en moins. »
Encore jeune, sa marge de progression est conséquente. Ainsi, avec sa qualité technique, s’il joue plus simplement et gagne en régularité, il peut faire la différence et se révéler comme un atout majeur de l’équipe.
Santamaria, solidité et fiabilité
Initialement destiné à être la doublure de Matić cette saison, Baptiste Santamaria était dans les plans de Génésio pour la rotation du milieu de terrain. Cinq fois titulaires et neuf fois sorti du banc, ses prestations sont restées assez fidèle à son style de jeu. Ses entrées aident souvent à maintenir la solidité et l’équilibre de l’équipe. Il joue simplement et est précieux à la récupération. Cependant, il lui manque un certain impact et une influence décisive sur le jeu. Malgré cela, le milieu relayeur reste un joueur fiable et régulier en qui Julien Stéphan peut avoir confiance. À condition qu’il ne s’envole pas dès la trêve hivernale vers une nouvelle destination…
Rieder, sur la pointe des pieds
Arrivé en toute fin de mercato, Fabian Rieder, s’est intégré dans l’équipe avec discrétion, accumulant jusqu’à présent un temps de jeu limité. Néanmoins, à chaque fois qu’il a foulé la pelouse, ses prestations ont laissé présager un potentiel. Se rendant constamment disponible et multipliant les appels, le Suisse ne ménage pas ses efforts, tant sur le plan offensif que défensif. Son style de jeu plutôt sobre, mais efficace, laisse entrevoir les prémices d’un joueur qui a toutes les qualités pour s’épanouir dans le collectif rennais. Néanmoins, son influence est restée limitée sur ses quelques titularisations. Il est le milieu de terrain le moins utilisé sous Génésio depuis le début de la saison. L’ancien coach a évoqué le milieu lors d’une conférence de presse avant le Derby contre le rival nantais :
« C’est un joueur en qui j’ai énormément confiance, je pense que ça va être un très bon joueur pour le Stade Rennais. J’aime bien les rentrées qu’il fait. À chaque fois, il est dangereux, il amène quelque chose… Je pense qu’il a besoin de se libérer un petit peu techniquement parce que je compte énormément sur lui à l’avenir. C’est un peu le même style (que Lovro Majer), quelqu’un qui intellectualise beaucoup, qui réfléchit beaucoup, qui sent le football, donc il y a des très bons côtés, puis il y en a d’autres ou il doit se lâcher un peu. Mais ça va venir, et je suis déjà satisfait de ce qu’il fait ».
Avec davantage de temps de jeu et de confiance, il aura, sans doute, l’opportunité d’étaler pleinement ses qualités. À voir désormais si le nouvel entraîneur, Julien Séphan, lui laissera une chance.
🔴 OFFICIEL – Julien Stéphan est de retour !
➡️ Entraîneur du Stade Rennais de 2018 à 2021, Julien Stéphan succède aujourd’hui à Bruno Génésio ! Il sera présenté devant la presse à 14h
🤔 Selon vous, Julien Stéphan est-il la solution pour relancer le Stade Rennais ? pic.twitter.com/db9wCjYtDn
— Radio Roazhon (@RadioRoazhon) November 20, 2023
Pour remonter au classement, il ne faudra pas compter seulement sur les formes de chacun au milieu de terrain, mais sur tout un collectif et sa capacité à se relever ensemble. Espérons que les mots de Bourigeaud « Mais croyez-moi, on ne lâchera pas, je vous le promets, on ne le lâchera pas. On va continuer de travailler, on va la fermer, mais on ne lâchera pas » ont été entendus. Pour que le Roazhon Park rugisse de bonheur, non seulement le 26 novembre, mais tout au long de la saison.
Romane DENIS